anorexie

« Deux à combattre l’anorexie »

16 septembre 2021

Camille Cellier, une jeune anorexique, et Didier Pleux, un psychothérapeute, ont été “Deux à combattre l’anorexie”. C’est le titre du livre qu’ils ont écrit à « deux voix ». L’un après l’autre, et quelquefois l’un contre l’autre, ils mènent ensemble leur combat contre cette maladie. 

Voici le journal d’une psychothérapie.

Un faux départ

La première fois que Didier rencontre Camille à son cabinet de Caen, elle a 22 ans. Elle pèse 28 kg pour 1,64m et était venue sur les conseils d’une connaissance de la famille. Elle est enfant unique et vit seule avec sa mère depuis que son père est parti. Elle lui avait montré ses dessins et ses premiers écrits et il trouvait qu’elle avait du talent. Malgré tout, sa priorité n’étant pas d’exacerber son estime de soi par des flatteries de toutes sortes, il l’avait plutôt alertée sur sa condition physique au bord de la rupture. Il était persuadé qu’elle était en danger de mort et essaya de convaincre ses parents d’aller consulter un service psychiatrique. 

Sa demande de soin médicale, sa directivité, son manque de compassion déplut à Camille. Elle ne revint plus le voir pour poursuivre sa thérapie. Visiblement, elle n’était pas « disposée » à guérir. 

Le contrat

Cinq ans plus tard, elle reprend contact avec lui par mail. Elle a rédigé depuis de nombreux écrits et a trouvé son idéal de vie dans la littérature. Elle veut devenir écrivain et c’est à ce titre qu’elle demande à Didier Pleux de rédiger une petite préface à ses « ruminations », son journal de bord de jeune femme anorexique.

Camille est bel et bien toujours malade… 

Il décide d’accepter mais sous certaines conditions : il faudrait que ce soit un travail commun. Il signera sa préface lorsqu’elle sera guérie. Ce que Camille appelle un chantage, Didier ne voit ici qu’un contrat. Mais Camille donne son accord.

La toute-puissance liée à l’anorexie 

Au cours des premières séances, Camille parle de sa rencontre avec « Dame Anorexie ». Elle y a trouvé du plaisir au début. Elle compare la maladie à un jeu, elle joue avec la mort, elle l’a contourne. Elle a le contrôle, la toute-puissance : elle est « vivante aux enfers » avec la possibilité d’en sortir (en prenant 2 ou 3 kg) selon son bon vouloir. 

Elle trouve sa singularité dans la maladie et a peur d’être normalisée, vidée de sa différence, de sa créativité si elle rompt avec sa compagne depuis 9 ans. 

Comment l’anorexie est entrée dans sa vie ?

Le début de sa maladie n’est pas lié à une envie de maigrir mais à une dépression suite à l’obtention de son bac avec mention « très bien ». Depuis l’enfance, son but ultime était d’obtenir son bac donc que faire maintenant ? Elle explique que le vide s’est fait sentir à ce moment là. La dépression est devenue incontrôlable quand l’anorexie elle, est totalement contrôlable selon elle. L’anorexie comme outil de contrôle pour pallier au manque d’objectifs, de rails à suivre. 

Elle définit sa relation avec sa mère normale. Elle a toujours été une élève brillante, perfectionniste et choyé par ses parents. Elle sort peu, a peu d’amis et aucun petit ami. Elle aime lire, écrire et dessiner. Son enfance et adolescence se sont déroulées sans accrocs. 

Didier met l’accent sur une réalité peu contraignante, sans aucune frustration. Cette thérapie représente pour elle un nouvel objectif et c’est pour cette raison qu’elle a accepté. 

L’anorexie : une addiction ?

Les séances se déroulent à raison de 2 par semaine. Il s’agit d’une thérapie comportementale et cognitive car Didier souhaite intervenir sur ses symptômes plutôt que sur les causes de la maladie. Il lui fait rapidement prendre conscience qu’elle n’est pas « maître à bord » comme elle le pense car le jeûne fait produire à l’organisme des substances chimiques, les endorphines (voir lien), qui l’a pousse à réduire son alimentation pour ressentir un bien-être. C’est donc la chimie qui gouverne. 

Cette allusion à l’addiction fait l’effet d’un électrochoc à Camille: elle n’a pas l’indépendance qu’elle pensait avoir vis-à-vis du conditionnement humain. C’est à partir de cette prise de conscience que la prise de poids va commencer…lentement. 

Un suivi thérapeutique peu commun 

Didier met en place un système de correspondance qui se fait par mails. En effet, pour lui, les entretiens trop espacés ne répondent pas à l’urgence. Or, chaque repas deviendra pour Camille une source de grandes angoisses. L’échange virtuel sera une bonne échappatoire face à ses angoisses et ses questions. Didier appelle ça le déconditionnement. 

Au fil des séances, elle reprend du poids. Mais vers 35 kg, la phase de résistance se fait sentir. Pour le psychologue, les résistances apparaissent lorsque les questions « Qui suis-je ? D’où je viens ? Pour aller où ? » se posent. Les causes de sa maladie doivent être abordées… 

Les causes de son anorexie

Sa mère a toujours été fière d’elle. Son père lui, paraissait indifférent. Elle n’a jamais ressenti de pression quant à la réussite. Pas de tâches ménagères ni un mode d’emploi familial rigide. Elle explique qu’elle aime retrouver sa solitude dans le travail scolaire. 

Ses parents ne l’ont jamais dirigé vers une voie particulière, du coup, elle ne sait pas quoi entreprendre. La liberté l’a étouffée. Elle a toujours eu l’habitude de se frustrer. Pour elle, se faire plaisir est un signe de paresse, de laisser-aller. La philosophie familiale est ambivalente : le plaisir est lié à l’effort. 

On apprend que sa mère mange peu et fait très attention à son alimentation. Didier pense qu’elle a elle-même développé une forme d’anorexie. Elle contrôle tout ce qu’elle mange et sa relation à la nourriture est sans doute pathologique.
Camille pense que sa mère a peur qu’elle l’abandonne car elle serait seule. La savoir malade et fragile doit la rassurer inconsciemment et la maintient dans la maladie. 

« Mal à son père »

Contre toute attente, Didier pense que Camille a plus « mal à son père » qu’à sa mère. En effet, il a toujours été absent, égoïste d’après elle. Il admirait toujours les filles des autres. Cela a développé sa soif de reconnaissance. Dans le même temps, elle se braque contre son psy et ses hypothèses, persuadée que ses agissements proviennent de sa personnalité et non pas de sa maladie. Elle n’abandonne pas pour autant et reprend 2 kg. Ils sont à mi-parcours. 

Une sortie progressive de la maladie

A 37 kg, elle se sent dépressive. Il lui demande de faire le point afin qu’elle ne renoue pas avec des émotions dysfonctionnelles (travail cognitif). Il faut redonner de la force au cortex, ne pas donner le pouvoir au cerveau émotionnel. Elle doit penser sa vie et non pas la ressentir. Son psy a traité le symptôme mais la vie la submerge… Elle a l’impression de manquer d’intelligence, de créativité, elle peur du laisser-aller, de ne plus être combative. 

Puis, le désir d’être le maître à bord l’encourage à dire adieu à « Dame Anorexie ». Elle veut s’en sortir définitivement. Didier lui explique qu’elle va sortir de l’anorexie comme elle y est entrée : quand la réalité la rattrape. Si elle a des incertitudes sur son avenir, c’est bon signe ! 

A 43 kg, elle va mieux. Elle trouve un emploi d’un mois dans une épicerie même si la relation au monde est encore difficile. 

Elle conclut cet ouvrage en décrivant sa vie comme des orages et des coins de ciel bleu. 

Mon avis

Chacun des auteurs a des messages à faire passer dans ce livre. Sortir de la maladie est un chemin individuel. Chaque anorexie est différente et doit être soignée en fonction de la personnalité du malade. Didier Pleux est psychologue spécialisé en TCC et montre l’utilité de soigner le symptôme avant d’en chercher la cause en raison de l’urgence de la situation. Toutefois, je pense qu’il est indispensable d’entreprendre une thérapie plus profonde à la reprise de poids.

Lien utile : https://www.letemps.ch/societe/non-lanorexie-na-toujours-voir-mere-pere-lattachement-oui-on-guerir-cette-maladie

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