Pardonner

Le pardon est-il vraiment libérateur ?

23 juin 2022

Depuis quelque temps, le pardon est vu comme un rituel de purification, un synonyme d’apaisement, autant pour celui qui le demande que pour celui qui l’accorde. Mais le pardon est-il vraiment libérateur ? Et peut-on tout pardonner ?

La position religieuse

Dans le christianisme, tout semble pardonnable : la confession des fautes et un repentir sincère peuvent suffire. A l’inverse, dans la tradition juive, son utilité est collective. Il s’agit de briser le cycle infernal de la vengeance. Pour être pardonné, l’offenseur doit exprimer un vrai désir de changer et doit s’efforcer de réparer ses torts. Dans le soufisme, courant spirituel de l’islam, pardonner est une démarche de connaissance de soi. Il s’agit de se libérer de la mauvaise conscience et des pensées qui rendent amer pour devenir une meilleure personne, capable d’aimer toute la création.

Le pardon est donc souvent prescrit par les traditions religieuses et vu comme la seule issue vers la libération et l’apaisement.

La position philosophique

La philosophie se méfie davantage du pardon. Kant y voyait « une molle indulgence », une démission de la raison au profit des émotions. Certains pensent que l’on peut ne pas pardonner sans pour autant être dévoré par la rancoeur et le désir de vengeance. Cela pourrait être une façon de dire : « Stop, vous allez trop loin ».

La philosophie s’interroge : Peut-on pardonner l’impardonnable ? Peut-on pardonner quand l’offenseur ou le bourreau ne demande pas pardon, ne semble pas vouloir expier ses fautes ou ses crimes ? On peut toutefois reconnaître l’irresponsabilité mais est-elle excusable ? Pour Paul Ricoeur, le pardon offre une seconde naissance en rendant plus disponible à ce que peut apporter le présent. Tandis que pour son élève, Olivier Abel, sur le plan collectif, il est préférable de savoir pardonner car nous sommes tous les héritiers de violences, de guerres, de crimes.

La position thérapeutique

Evidemment, le pardon renvoie à la notion de lâcher-prise. Mais dans un travail thérapeutique, l’offenseur (qui est souvent un parent mal-aimant, un adulte abuseur, un partenaire qui a trahi…) ne vient pas en séance pour demander pardon. Même si un travail autour du pardon est possible (comme le travail de deuil), il ne doit pas être accordé trop tôt sous peine d’avoir la valeur d’une fuite ou d’un déni de la souffrance endurée.

En fait, il ne doit pas être vécu comme une injonction car sinon il devient source de culpabilité. A ce moment-là, il n’est plus du tout libérateur mais tyrannique. Pour beaucoup de personnes, c’est la double peine. En plus d’avoir subi des traumatismes et de devoir apprendre à vivre avec, ils se mettent à culpabiliser de ne pas pouvoir pardonner.

La pardon ne peut être donné (ou pas) qu’après la cicatrisation de la blessure. D’ailleurs, pardonner ne signifie pas reprendre des relations comme si de rien n’était. Il est parfois préférable de garder une distance protectrice.

Comment cicatriser nos blessures ?

Dans le cadre d’une thérapie, le patient peut tenter de comprendre, par exemple, le comportement de ses parents à la lumière de leur histoire. D’accepter qu’ils puissent être ce qu’ils sont ou ce qu’ils ont été. Cela permet de cesser d’attendre quelque chose d’eux qui ne viendra jamais. Il ne s’agit en aucun cas de leur trouver des excuses mais plutôt des explications.

Le but d’un travail sur soi n’est pas de parvenir à disculper ceux ou celles qui nous ont porté préjudice mais plutôt de pouvoir enfin se pardonner à soi-même. Se pardonner de ne pas s’être fait assez respecter ou de ne pas s’être assez respecté soi-même. La question du pardon ne vient se poser que lorsque l’on a pu retrouver son intégrité, se réhabiliter vis-à-vis de soi-même, avec ses limites et ses ressources.

Pour moi, en tant que thérapeute, je ne considère pas le pardon comme un acte fondamental pour se relever de l’épreuve. C’est plutôt quelque chose qui intervient de surcroît dans le processus de guérison. Un jour, quand cela possible, on pardonne, sans que cela soit vraiment volontaire.

source : dna.fr

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